Article publié par notre partenaire Weka
Crédit photo : Folco Laverdière (élève ingénieur en chef territorial de la promotion Rachel Carson)
Cette tribune fait partie d’une série de contributions de la troisième promotion des élèves ingénieurs en chef territoriaux, futurs cadres dirigeants des collectivités locales, à la réflexion prospective post-crise du Covid-19, et qui feront chacune un focus sur un sujet particulier.
Ne cherchons pas un retour à la normale : il ne peut pas et ne doit pas y en avoir
En chinois, le mot “crise” s’écrit 危机 (wēijī), combinaison de “danger” ( 危 ) et d’“opportunité” ( 机 ). L’opportunité que nous offre cette crise, c’est de préparer le monde de demain. Un monde qui aura lui aussi sa normalité, mais une normalité nouvelle et différente de la précédente.
Souhaiter le “retour à la normale” d’avant, ce serait manquer cette opportunité. Ce serait renoncer à la chance d’anticiper l’inéluctable transformation de nos sociétés ; ce serait lui préférer l’illusion que nous pourrions revenir en arrière… jusqu’à la prochaine crise, car soigner les symptômes n’élimine pas les causes. Ce serait préférer le danger.
Si nous ne changeons pas, cette crise n’aura été que l’annonce de celles qui la suivront, plus graves. Un coup de semonce que nous aurons ignoré. Nous nous sommes déjà trop entêtés à ignorer les avertissements précédents : autres épidémies, crises financières, impacts du dérèglement climatique contre lequel nous étions pourtant avertis depuis plus d’un demi-siècle.https://b8e8872c459aedae1f09dd0ef451170a.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-37/html/container.html
Les secousses que ces crises avaient fait subir à nos sociétés n’avaient pas réussi à nous réveiller, à nous sortir de notre léthargie. Sans action de notre part, ces crises nous imposeront leur nouvelle normalité, sûrement plus désagréable. Pour ne pas subir demain, il nous faut choisir et agir aujourd’hui.
Il nous faut changer le logiciel avec lequel nous concevons nos sociétés. Lorsque les pannes de notre véhicule se rapprochent en fréquence et gagnent en gravité, même si nous arrivons encore à le dépanner au bord de la route après 1 heure les mains dans le cambouis, ne jugeons-nous pas qu’il est temps de faire les travaux qui s’imposent ou de le changer ? Ou attendons-nous encore et encore la prochaine panne pour comprendre ? N’attendons pas plus. Cela fait déjà trop de décennies que nous nous atermoyons.
Ce changement, qu’il soit voulu ou subi, sera multi-échelle, de l’individu aux grands ensembles internationaux. Au milieu de cette échelle, les collectivités territoriales doivent elles aussi accélérer leur mutation, et ce de manière d’autant plus impérieuse qu’elles correspondent aux bassins de vie de nos citoyens, à un nombre important de services essentiels, dont un effondrement même temporaire ne serait pas une option acceptable, que leur résilience est un impératif.
Le confinement était propice à l’introspection et la rêverie et nous avons rêvé le monde de demain. Mais les rêves échappent rapidement à notre mémoire une fois réveillés et alors que le quotidien absorbe notre attention. Pour ne pas en perdre la mémoire, il nous faut les coucher sur le papier. C’est ce qu’il nous faut faire maintenant : noter nos rêves, mais aussi approfondir les idées qu’ils contiennent pour qu’ils deviennent actions maintenant que la chape du confinement qui contenait nos énergies se lève.
Cette pandémie a illustré que ces défis ne nous attendent déjà plus et qu’ils ne peuvent être surmontés sans le pragmatisme de “ceux qui font” ; que face à eux, nos sociétés tiennent “ensemble”, et non pas en laissant certains pour compte.
Ami lecteur de cet article, emporte avec toi cette citation qui résume l’attitude nécessaire : “Les pieds sur terre, le cœur avec les hommes, la tête dans les étoiles.”
Manfred Amoureux, ancien élève ingénieur en chef de la promotion Wangari Muta Maathai